BIOGRAPHIE
Débarqué dans le rap à la fin des années 2000, ce fils d'un réfugié irakien passé par l'Algérie et la Normandie avant de s'installer à Montpellier n'a jamais fait les choses comme les autres. Venu au rap via la culture skate qu'il embrasse à l'adolescence, ce n'est qu'à la trentaine qu'il empoigne le micro, à l'âge où les autres songent déjà à se ranger, pénétrant la décennie 2010 avec une série de projets dont le marquant Perdants Magnifiques (2014).
Alors qu'il est inconnu, l'album réussit le double tour de force de le classer parmi les fines plumes du rap hexagonal en même temps qu'il l'affilie - par défaut - à une exigeante scène indépendante peuplée de fans de MF DOOM et de l'Entourage, de Madlib ou de Curren$y et de nostalgiques de Dany Dan, Time Bomb ou Big L. Mais entre les playlists spé et les scènes confidentielles, Sameer brouille encore les pistes. Attiré par le côté ludique du rap, par le caractère performatif de cet art solitaire, il n'est ni le lyriciste besogneux qu'on a voulu voir en lui, encore moins un politicien de rue au verbe vindicatif. Au contraire, son oralité est avant tout esthétique, attachée à l'énergie plus qu’aux discours ou aux figures imposées du genre.
Ahmad performe plus qu'il n'écrit, ses narrations s'appuient sur des thèmes ou des mots- clés, des champs lexicaux ou phonétiques qui accouchent d'une écriture rythmique, percussive. La forme prime presque sur le fond, où se croisent pourtant les totems du rappeur : l'histoire des Etats-Unis ou celle du hip-hop, le vaudou, le blues ou le cinéma, Martin Luther King, Malcolm X et une poignée de Cholos perdus entre les rimes. De fait, s'il ne tire pas un texte sur l'esclavage, la police ou le rap, il cristallise tous ces thèmes à travers des puzzles de phrases où tout est référence, double-sens ou sens cachés.
La démarche est singulière : pour parvenir à ce résultat, Sameer a tout plaqué et s'est donc lancé dans la musique à 40 ans. Le déclic se produit au printemps 2022 lorsque le rappeur est invité en résidence à la Villa Albertine, à Miami, aux côtés d'Arnaud, fondateur du label BCBC qui l’encourage. De retour en France, le rappeur rassemble ses économies, met la famille à l'abri et quitte sa carrière de professeur. Ne reste plus que le rap et la quarantaine enthousiaste, la démarche est inédite dans le rap français. « C'est une question de point de vue, on est toujours le vieux de quelqu'un d'autre, sourit Ahmad. L'essentiel est de ne pas faire semblant d'être jeune, je suis riche de mes expériences et ne regrette rien de mon parcours ».